Un monde presque parfait

Luxemburger Wort, 17. Nov. 2011

Une exposition d’Anna Recker

[…] Anna Recker ne cesse de nous surprendre. Ses œuvres récentes la montrent en pleine maturité, insatiable d’explorer avec rigueur et sensibilité, les possibilités que lui offrent la géométrie et la peinture. A travers cette exposition intitulée Das Blaue vom Himmel, l’artiste présente un ensemble de toiles qui sont autant de regards, froids et sensuels, posés sur le monde et sur nous-même.

Fidèle à un style et à un tracé, Anna Recker choisi de quitter les tonalités grises, ocres et brunes pour s’évader vers plus de rêves à travers le bleu. «J’aime ce qui est calme et serein», explique t’elle. En utilisant la peinture acrylique en fines couches successives et le crayon gras, elle parvient, par des jeux de profondeur et de transparence, à donner une impression de quiétude et d’infini à l’ensemble de son travail. Pourtant, aussi doux et rassurant que soit le bleu, il n’en reste pas moins qu’une illusion, qu’une apparence, qui habille avec poésie et nostalgie une réalité quelque peu trompeuse et incertaine.

A partir de formes simples comme l’Hexagone, le triangle, l’artiste agence sa toile tel un puzzle. La juxtaposition et la combinaison d’une même forme répétée donnent vie et rigueur à toutes sort de structures porteuses d’un discours métaphorique. Il y a, en effet, dans sa démarche un sens caché, une allusion qu’il faut découvrir pour pouvoir en saisir les subtilités.

Anna Recker n’hésite pas à animer l’apparente rigueur et immobilité de ses œuvres par des sentiments d’insécurité, de vide, de duperie et d’insouciance En utilisant l’étoile du drapeau européen, le sigle de l’euro ou encore celui de la Deutsche Bank comme éléments formels et symboliques, l’artiste dépeint avec ironie et mélancolie une société trompée. Un système de marchés financiers basé uniquement sur de belles promesses; un monde faussé, hypocrite, dictatorial où les espérances et certitudes se brisent comme des nuages.

Labyrinthe

Le caractère soigné, lisse et ordonné des différents éléments qui structurent l’œuvre, n’est là que pour nous rendre attentif à ce qui se cache, ce que l’on ne voit pas: tel le vide qui se dérobe
sous nos pieds; la terre qui, à l’image d’un coquillage, se replie sur elle et se dévore. Les peintures d’Anna Recker ont quelque chose d’atemporel et d’immuable. A travers des paysages imposants, abandonnés par toute âme qui vive et aux allures quelque peu surréalistes, elle emmène le spectateur à s’interroger sur soi et sur ce qui l’entoure.

Loin d’être pessimiste, son travail s’apparente à un labyrinthe dont on retrouve toujours la sortie. C’est une vision nostalgique et sereine de notre existence mais également de l’énorme farce que nous joue le monde. Tels des fragments de nuages brisés, des météorites: les œuvres d’Anna Recker apparaissent comme des points de suspension sur notre devenir.

Par la peinture, l’artiste transcende les dimensions de la toile. Elle interroge et nous fait toucher du doigt les craintes et espoirs qui cheminent en chacun de nous.

Mireille Petitgenêt

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