Marche infinie

Jeudi 7/2007

Une fois de plus Anna Recker parcourt d’un pas mesuré les règles du dessin. Art dont la tradition remonte au «disegno» de la Renaissance par le biais duquel l’homme crée son rapport avec le monde et l’espace. L’espace selon Anna Recker est architectonique, en constante réinvention à travers les volumes qu’elle crée et déplace d’une œuvre à l’autre. De cette combinatoire des formes naît un art qui transgresse les cadres pour se réactualiser ailleurs. Les tétraèdres s’assemblent et se désassemblent pour former de nouveaux volumes. Par un pivotement de la surface picturale, les octogones deviennent octaèdres, les polygones des structures complexes traversées de part en part par la vision. Lors de cette appréhension multiple de l’espace, Anna Recker saute allègrement du plan au volume, répétant ce dernier jusque dans le découpage de la toile, ou dans des installations scéniques qui invitent à la danse. Dans ses chorégraphies, l’espace se crée et se défait à mesure que le corps le traverse et déplace les objets qui le jonchent, en de nouvelles constellations. En fin de compte, cette gestuelle devient l’emblème de l’activité du peintre: un lent et patient déplacement des règles de l’art vers d’autres champs. RÉINVENTION Aussi est-ce un nouveau cycle que cette danse du peintre amorce ici, en confrontant des vues architectoniques au paysage. Face à une ligne d’horizon qui se perd entre les lacs nébuleux d’une mer fantastique, une spirale devient labyrinthe, puis jardin dans lequel le spectateur est invité à se perdre. Une géométrie tributaire d’Euclide, claire et définie se nourrit alors d’un élément nouveau: l’infini. L’intrusion de cette notion revient à avouer la vulnérabilité de formes et de figure en proie à la mutation. L’infini n’est-il pas aussi la caractéristique de la démarche de la plasticienne dont l’objet constant est de réinventer sa pratique? Que cette notion existait déjà auparavant dans son œuvre ne fait pas de doute. Mais à présent elle offre de nouvelles possibilités de jeu. Celui-ci ce sont les bandes de Möbius qui fascinaient déjà Anna Recker dans son enfance. En représentant ces bandes de tissu qui ne présentent ni recto, ni verso, mais une seule surface, un bord unique, c’est notre capacité à nous représenter un espace insolite que le peintre défie. Selon sa logique habituelle, Anna Recker ne tardera pas à les incorporer dans de nouvelles installations et chorégraphies, qui nous réservent encore bien des surprises. Vincent Wilwers

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