Luxemburger Wort 10/2003
Par bribes se présentent les espaces d’Anna Recker. Ce sont en fait des extraits d’espaces infinis et minéralogiques, sans âme qui vie, des paysages lunaires, qu’Anna Recker nous offre à la fois avec leur matérialité colorée et leurs lois internes. L’artiste s’intéresse de près aux lois mathématiques qui gouvernent la nature. Par la juxtaposition de réalités naturelles et de figures géométriques, elle suscite une confrontation. D’ailleurs, elle ne cache à aucun moment son interrogation sur l’immense nature-déesse. Les études sont intégrées au produit final, telles des scénarios qu’on insère dans un film arrêté. Les pièces décomposées en unités composant entrent dans un puzzle de formes géométriques. Le chaos rentre dans un ordre nouveau. L’artiste va en vérité voir dans les entrailles de ses formes, et y découvre labyrinthes et d’autres figures, par des découpes, obéissant à des lois numériques, elles-mêmes dotées d’un pouvoir magique. Elle met à nu ses interrogations sous forme d’esquisses qui font partie intégrante de l’œuvre. Une autre interrogation y figure sous forme d’oppositions entre les pleins et les vides, ceux-ci représentant la structure interne sur laquelle repose l’élément de la nature; ceux-là étant les choses dont on a une connaissance visuelle. Dès qu’on remplit la structure, l’objet change d’apparence, la chose change de statut. En fait, la grande interrogation porte sur tous les possibles nous mettant face à notre absolue liberté, à partir de laquelle nous construisons nos univers suite à une activité ludique. Elle porte sur les intériorités possibles des hexagones, sur les variations possibles, sur les intégrations possibles, les compositions possibles et les contenus possibles des choses. Elle explore les contenus mathématiques des réalités naturelles. Ces lois-là maintiennent la nature de l’intérieur. Les effets des couleurs, dont la palette n’est pas riche, sont étudiées avec soin. Anna Recker arrive à donner avec un minimum de couleurs l’illusion de reliefs et la simulation de matérialités. En remplissant ses squelettes mathématiques, nous avons le sentiment d’entrer dans la tridimensionnalité.