Une kyrielle de structures

Luxemburger Wort, Montag, den 28. April 1997

Anna Recker dans le silence de ses chemins

La matière et le temps, son flux, ses traces, obsèdent le questionnement d’Anna Recker qui, en créatrice, en explore des approches multiples. Entre ces approches il y a un chemin qu’Anna Recker nous donne à voir et à penser à la galerie d’art municipale d’Esch-sur-Alzette. En toute chose, en tout être, le chemin est complexe; il est labyrinthe dont l’artiste propose quelques tracés: ce sont des modules hexagonaux, avec variations des couleurs, le bleu pour l’eau et le vert pour le végétal, guides et substances de la pérennité. Puis il y a les ruines d’une cité-forteresse (c’est l’aquarelle «Altar-Bunkerlandschaft»): un imaginaire de pierre, une hiérarchie de mégalithes, un mur de vestiges sériés, une architecture en dédales. Les traits sont fins, précis pour ceinturer le mystère qui suinte des tons indécis quant aux nuances de gris. Vue dans le détail, une face de ces pierres évoquerait un fragment de grotte, un pan de caveau ou une croûte de terre, à moins que ce ne soit une nébuleuse. Des interprétations multiples pour des possibles chemins de destinée, de soi et du monde, «Zwischen Erde und Stein». Le mystère est toujours au rendez-vous: il vient et il vit des reflets d’ombres et de lumières de la toile ou du papier. Enfin, dans ses oeuvres récentes Anna Recker construit et nous donne à construire des chemins. Chaque fois, c’est un chapelet, un kyrielle de structures, minimales dans l’ambiance du vert-gris ou du gris-bleu, tout relève du registre du pavement, du fond de cave. Les structures répétitives, en associations modulables et variables, composent un long tableau où chacun: librement situera son interprétation, physique ou métaphysique. Techniquement impeccables, ces surfaces sont remarquables de silence et d’humanité; c’est là que Anna Recker se ressource.

Marie-Anne Lorgé

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